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Mathilde Fichot, 36 ans, est une infirmière française diplômée de La Croix-Rouge en 2010. Forte d’une expérience de plusieurs années en oncologie et soins palliatifs, notamment au Centre Georges François Leclerc à Dijon et au CHUV en Suisse, elle a choisi de consacrer une année sabbatique à l’exploration du monde et à l’engagement humanitaire. Dans ce témoignage, elle partage son expérience auprès de l’AMCA au Nicaragua, où elle a découvert l’impact profond des projets de l’association sur les patientes atteintes de cancer.

L’opportunité de découvrir les projets de l’association pour l’aide médicale en Centro América – AMCA en Nicaragua.

En 2024, j’ai décidé de prendre une année sabbatique et de partir à la découverte du monde dans toute sa splendeur. J’ai effectivement traversé plusieurs continents, commençant par l’Asie puis le nord de l’Amérique, pour ensuite arriver au Mexique…

J’ai pris 6 mois avant de faire mes premiers pas en Amérique centrale. Comme si j’avais instinctivement compris qu’il me faudrait du temps avant d’arriver sur cette partie du globe, un temps nécessaire pour me libérer de mes habitudes et de ma routine, afin de vivre pleinement l’expérience offerte par l’Amérique Centrale. Le Mexique m’accueille les bras ouverts. Je traverse le pays d’Est en Ouest, passant par des lieux si connus pour le tourisme, mais surtout riches en culture et métissage. Je me sens rapidement à l’aise, marchant parfois des heures dans les rues de magnifiques villages.

Voyager dans ces lieux me semble facile grâce à la gentillesse et la bienveillance de la population. Et je me rendrai compte que cela n’est pas propre au Mexique mais à toute cette partie du continent. Le Guatemala, le Salvador, le Nicaragua puis le Panama ont confirmé ce que j’ai ressenti ici. Chacun à sa manière, ils m’ont donné l’occasion de vivre d’incroyables expériences et de rencontres.

Mais il est vrai que ce que j’ai vécu au Nicaragua a été différent. Ça été une parenthèse beaucoup plus proche de la réalité, de la vie quotidienne, du monde du travail, des difficultés financières, du milieu hospitalier, et certainement d’autres approches. Dans le passé, j’ai eu plusieurs expériences, notamment en Afrique, pour des missions humanitaires et de bénévolat. Des expériences qui changent la vision du monde et très certainement une partie de nous-même. Au Nicaragua, j’ai senti que je devais revivre cela. Et c’est avec AMCA (Association pour l’aide médicale en Centro América) que j’ai eu la chance de le vivre.

Ayant une expérience de 4 ans dans un centre reconnu pour adultes de cancérologie le « Centre Gorges François Leclerc » à Dijon en France, dans les services de chirurgie, de médecine et de soins palliatifs, puis 5 ans en oncologie pédiatrique au CHUV en Suisse, j’ai pensé que mon expérience pouvait être une ressource pour certains projets d’AMCA.

J’ai eu l’opportunité de découvrir les projets d’AMCA, dont celui de l’atelier de couture à l’hôpital de Bertha Calderón Roque. Et voici le récit de mon expérience…

J’ai été accueillie par Yanina Pérez, la professeure de couture, qui m’a présenté la population avec laquelle je vais travailler. Des femmes atteintes de cancer, qui nécessitent de longues semaines de traitement. Elles viennent de loin, beaucoup trop loin pour rentrer et voir leur famille, assez loin pour recevoir très peu de visite. Je me trouve confrontée à la solitude de ces femmes.

L’atelier de couture est à côté de leur logement, je prends donc l’habitude de passer chaque matin pour les saluer, me présenter, observer leur quotidien.

Prendre le temps de parler avec une patiente, assise avec elle sur son lit, permet d’ouvrir la porte à d’autres. Petit à petit, les visages deviennent familiers, des sourires parfois timides se dessinent sur les visages, et ainsi des liens se sont formés. Mais il y avait une réalité, la tragédie de leur maladie, alors il faut respecter leur moment de repos, d’intimité, de tristesse ; cela fait partie de leur parcours.

Pour moi, avec le peu de temps que j’avais, mon objectif était de leur prouver les bienfaits de l’atelier, et non pas seulement financier mais psychologique. Ma victoire était de leur faire franchir la porte une première fois avec enthousiasme. Pendant un instant, elles oublient peut-être leur cancer, la prochaine radiothérapie, la prochaine séance de chimiothérapie… je remarque qu’elles se soutiennent énormément, se motivent, se félicitent, s’encouragent. Des liens sociaux se forment.

Une nouvelle difficulté se présente à moi, devoir m’adapter à des femmes souvent analphabètes et complexées. Ici il y a un début à tout et à tout niveau ! L’intérêt n’est pas d’aller vite mais d’avancer à son rythme. Une nouvelle victoire pour moi, lorsqu’elles ne voient plus le temps passer et qu’elles ont qu’une envie, c’est de revenir le lendemain. Elles apprennent certes un métier, de quoi pouvoir gagner un peu d’argent, mais elles font naître en elle une énergie positive pour pouvoir se battre encore et encore. Les journées sont longues, attendre un traitement souvent douloureux et ne pas connaître la suite, peu donner envie de baisser les bras et abandonner.

Bien souvent, elles se livrent en toute discrétion, les douleurs et la peur qui va avec sont principalement les sujets de nos échanges. Il faut alors les rassurer, leur proposer du repos, les motiver à appeler le médecin si besoin, les impliquer au maximum dans leur traitement. Elles se remettent à Dieu, une vraie force, mais je souhaite qu’elles comprennent au mieux leur traitements et les effets secondaires. Elles préfèrent trouver les réponses avec leurs voisines de chambre, mais je leur recommande de trouver les informations vers le corps médical qui connaît mieux leur dossier. Je pense à cette nouvelle patiente avec qui j’ai parlé et qui, le regard effrayé, me décrit les effets secondaires que les autres femmes lui ont détaillé. Elle n’arrive plus à manger, et attend le jour pour tout débuter. Je lui propose de venir à l’atelier mais préfère restée au lit. Encore trop tôt, je respecte son choix. Elle me dit comprendre l’intérêt du projet d’AMCA et fera le premier pas dans quelques jours.

Les médecins, les infirmiers, les assistantes sociales, les psychologues se mobilisent pour garantir la meilleure guérison possible. De notre côté, nous faisons notre possible pour que ces femmes trouvent l’envie en elle de continuer à se battre.

Yanina travaille ici depuis une année et demi. Seule formatrice, elle fait vivre l’atelier avec passion. Elle réalise en permanence de nouveau projet, nouveau prototype, tout en restant ouverte pour accueillir les nouvelles élèves. Les femmes viennent aussi chaque jour avec des questions et des demandent, dans un lieu en dehors des soins médicaux, neutre et en confiance. Je pense notamment à leur besoin de prothèses externes.

Ici ma présence offre la possibilité d’échanger, de prendre du recul sur cette année. Cela permet également de valoriser le travail de Yanina. J’imagine qu’avec plus de temps, nous pourrions dynamiser et faire grandir ce lieu de vie. Le temps me manque pour continuer à saluer ces femmes chaque matin, mais je suis convaincue que l’énergie des patientes de l’atelier fera son travail.

Durant ces semaines, en parallèle de mon travail à l’atelier, j’ai également découvert le Nicaragua, sa population et sa culture. Je me suis laissée porter, sans rien prévoir à l’avance, sans savoir ce qu’il allait m’arriver. Et cela a été bénéfique. J’ai quotidiennement rencontré de nouvelles personnes, dont un (bénévole) d’AMCA. Nous avons pu partager notre vécu, notre parcours et ce qui nous a amené à travailler pour cette association.

J’étais en voyage depuis plusieurs mois et lui fraichement arrivé de Suisse. Nous pouvions ensemble envisager son futur quotidien dans les services de pédiatrie, en imaginant ce qu’il pourrait apporter aux équipes. Nous savions aussi qu’il lui faudrait d’abord prendre ses repères et comprendre les besoins des services hospitaliers.

La meilleure manière pour moi de le découvrir, c’est de parcourir une partie du pays et rencontrer un maximum la population locale. Nous n’avions que quelques jours de repos pour pouvoir le faire ensemble ou chacun de notre côté.

Nous avons visité la réserve naturelle du volcan Mombacho, ainsi que l’incontournable lac de lave du volcan Masaya. Puis seule, j’ai eu la chance de parcourir la ville coloniale de Granada. De magnifiques souvenirs en tête, une belle manière d’explorer une infime partie du pays.

Je parlais précédemment du besoin d’être en contact avec la population. J’ai alors vécu dans une famille à Managua. Une belle façon de m’intégrer à leur communauté. La famille était composée d’un couple et de leurs trois filles. Une fois de plus, l’accueille a été extraordinaire. Je partageais mes repas avec eux, et surtout de longues discussions. Notre réalité, notre quotidien, mais surtout découvrir celui de l’autre. Ces moments sont précieux pour pouvoir s’acclimater au mieux. Je devais faire face à la barrière de la langue, tellement nécessaire pour communiquer et accomplir mon travail à l’atelier. Avec les enfants c’est vraiment plus facile, on me corrige en douceur, j’apprends rapidement. Je remarque également une qualité présente chez tous les Nicaraguayens : ils ne critiquent jamais ma façon de parler. L’essentiel, c’est de faire l’effort d’apprendre l’espagnol et de pouvoir échanger.

Du point de vue de la couture, grâce à la passion de ma mère, j’ai réussi à avoir quelques notions de base et surtout le goût de faire soit même ses vêtements. Mais le vocabulaire me manquait !

Il m’arrivait parfois d’avoir l’impression d’apprendre le langage des signes plutôt que l’espagnol. Cela nous a valu quelques fous rires. Je remarquais que mon niveau limité en espagnol permettait aux patientes de se sentir en confiance, et elles m’apprenaient à leur tour quelque chose… donnant-donnant. Elles ne percevaient pas de rapport de supériorité de ma part, nous étions sur un pied d’égalité. Je pense que cela a favorisé certains échanges, voire suscité un réel intérêt.

De retour à mon quotidien, entre la Suisse et la France, je n’ai pas oublié les besoins que certaines associations comme AMCA peuvent avoir.

Il est facile de retomber dans certains réflexes, comme l’individualisme. Bien sûr, chacun doit trouver son propre équilibre, mais pour ma part, m’intéresser à ce genre de cause m’aide à garder les pieds sur terre. On peut tous évoluer ensemble, chacun apportant à l’autre une évolution, à la fois personnelle et collective.

Partager, échanger et imaginer l’avenir ensemble, comme cet atelier de couture au centre d’un service de cancérologie dédié aux femmes, des femmes isolées, permettrait de faire grandir les projets d’AMCA.

Un grand merci à l’association pour l’aide médicale en Centro América – AMCA pour la confiance et l’opportunité que vous m’avez donnée dans votre projet humanitaire, en effet vos projets enrichissent les cœurs de l’humanité…mes félicitations dans votre mission.

Mathilde Fichot
Infirmière au CHUV

Regardez les moments inoubliables dans la vidéo :